L’ Abbaye

Historique de l’Abbaye Notre-Dame de Ham

L’abbaye Notre-Dame de Ham a 900 ans, elle est même beaucoup plus vieille. Elle a largement dépassé le millénaire. En effet,

si les bâtiments dans lesquels nous sommes datent de 1701, l’histoire de l’abbaye a commencé beaucoup plus tôt.

Déjà à l’époque carolingienne, c’est-à-dire au huitième et neuvième siècle, un important établissement religieux prospérait à Ham,

il était doté d’un scriptorium où l’on consignait dans des manuscrits les archives et le savoir de l’époque ; c’était alors un monastère de chanoines réguliers sous l’invocation de la Vierge Marie.
Peu à peu, les religieux s’étaient sécularisés, comme dans beaucoup d’autres lieux, en se plaçant sous protection des seigneurs séculiers, qui d’ailleurs nommaient souvent eux-mêmes le père supérieur ; mais dans le courant des XIe et XIIe siècles, les rois, les évêques et les seigneurs travaillèrent à transformer les nombreuses communautés séculières en abbayes régulières, dotées d’une règle et dont les supérieurs étaient nommés par la hiérarchie ecclésiastique.

C’est ainsi qu’en 1108, Odon II dit  » Pied de Loup » et son épouse Louise remettent entre les mains de Baudry, évêque de Noyon, tous les droits qu’une ancienne coutume leur avait conservés sur l’église Sainte-Marie de Ham. Le roi de France, Philippe Ier, approuva la charte de donation.

La même année le pape Pascal II érigea cette nouvelle communauté en abbaye et lui accorda plusieurs privilèges, confirmés ou augmentés par ses successeurs.

L’abbaye, de l’ordre de Saint-Augustin, avait sous sa dépendance les trois paroisses de la ville : Saint-Pierre, Saint-Martin et Saint-Sulpice ainsi que sept autres cures des environs. Elle était dirigée par un abbé secondé par un prieur. Ses ressources étaient considérables puisque ses biens étaient composés en grande partie des revenus de terres situées dans 45 paroisses.

Malheureusement, en 1411, lors de la prise de Ham par les troupes de Poton de Xaintrailles au nom du roi Charles VII, l’abbaye fut détruite par le feu et ses archives complètement consumées. Ham appartenait à Jean de Luxembourg, celui-là même qui vendra plus tard Jeanne d’Arc aux Anglais.L’Abbaye allait se relever de ses cendres et connaître
une prospérité grandissante.

Les abbés de Ham obtinrent du pape Paul II, par sa bulle du 29 janvier 1469, la permission d’ajouter au droit de l’anneau et de la crosse, la mitre, les ornements épiscopaux et de donner la bénédiction à la fin de la messe.

En 1532, les abbés commendataires, nommés par le roi, se sont substitués aux abbés réguliers. En général, ils ne font plus partie de la communauté de l’Abbaye et se contentent d’en toucher les revenus.
Parmi les plus célèbres on peut compter Charles de Bourbon, cardinal archevêque de Rouen, nommé abbé en 1537 et surtout Armand Jean du Plessis futur cardinal de Richelieu, abbé en 1627.

C’est d’ailleurs lui qui, en 1641, rendit tout son éclat à l’abbaye en lui faisant embrasser la réforme de la congrégation de France accomplie par Charles Faure, abbé de Sainte-Geneviève à Paris. Les religieux de Ham portèrent alors la robe de laine blanche des génovéfains, mais par contre, quand ils sortaient de l’abbaye pour desservir leurs cures, ils revêtaient l’habit noir.

L’abbaye fut pendant plusieurs siècles un des monuments les plus importants de la ville de Ham, à tel point qu’un vieux dicton disait :
« Sans sin catieu, pi s’n abbaye, Ham ne serait que du bren ».
Il ne reste aucune trace de la maison canoniale d’origine qui a été élevée en même temps que l’église lors de la réforme de 1108. Toutefois, on sait qu’à cette époque, les bâtiments de l’abbaye étaient situés au nord de l’église Notre-Dame, c’est-à-dire au niveau du parking actuel ainsi que l’ont montré des fouilles réalisées au XIXe siècle.
Vous pouvez voir ici, à gauche, Notre-Dame, puis à côté Saint-Pierre, qui était une des églises paroissiales de la ville; presque au milieu Saint-Martin devant l’Hôtel-Dieu et bien évidemment le Château à droite. Saint-Sulpice, la troisième paroisse est « hors les murs ».

Rebâtie en 1701 au sud de l’église, l’Abbaye constituait un ensemble architectural remarquable. Ses bâtiments formaient un vaste rectangle le long duquel courait le cloître qui reliait entre elles les quatre parties de l’édifice : l’église, l’abbatiale, la bibliothèque et le logement des religieux

Sa façade, donnant sur la rue Notre-Dame, s’orne d’une majestueuse porte d’entrée encadrée de quatre colonnes d’ordre corinthien qui supportent le fronton dans lequel on lit la date de 1701.
Le logement de l’abbé, meublé avec une certaine élégance, comportait entre autres la salle du roi, dans laquelle se trouvait le portrait de Louis XIV, la salle du dauphin, une salle de billard et un oratoire. Le Roi-Soleil séjourna en effet plusieurs fois à Ham et coucha à l’abbaye ; les écrits anciens faisant état d’au moins huit passages.

La bibliothèque, parallèle à l’église Notre-Dame et dont le pignon donne sur la rue était située au premier étage. Elle porte encore quelques unes des sculptures qui rappelaient sa destination.
La bibliothèque possédait plus de 8000 volumes imprimés, elle était également riche en manuscrits, évangéliaires et antiphonaires.

Le logement des religieux était un vaste corps de logis ayant sa façade principale à l’est. Ce bâtiment formait un des côtés du cloître et était placé entre le chevet de l’église et la bibliothèque. Il mesurait 36 m de long sur 10 m de large et comportait quatre étages.

Les communs étaient situés au nord de l’église, à l’emplacement du parking actuel ; ils ont servi de caserne au XIXe siècle : il s’agit de la caserne Baudoin, disparue dans l’incendie de la ville le 6 septembre 1918.

À la révolution, l’abbaye fut supprimée par la loi du 19 février 1790 et les religieux renvoyés. Une partie des ouvrages de la bibliothèque fut vendue à vil prix le 19 novembre 1791 et une autre partie emmenée sur plusieurs voitures au district de Péronne.

Mais la plupart des manuscrits furent brûlés sur la place publique de Ham le 20 brumaire an II (11 novembre 1793), comme des monuments de la religion et de la féodalité ; heureusement, presque toutes les chartes avaient été copiées par Dom Grenier : elles sont conservées à la Bibliothèque Nationale, dans la collection de Picardie.
Peu de temps après, le 18 ventôse an II (8 mars 1794), les bâtiments de l’abbaye furent convertis en hôpital militaire de 340 lits.
L’abbaye fut vendue avec ses dépendances le 10 thermidor an IV (28 juillet 1796) comme bien national pour la somme de 13 500 fr. à Joachim Prosper Foy, frère aîné du futur général.
C’est également à cette période que furent détruit le logement des religieux, ainsi que l’église Saint-Pierre, que son nouveau propriétaire avait démolie pour en vendre les pierres.
Le clocher fut sauvé par la municipalité de Ham, car cette destruction aurait privé la ville de cloches. Considéré comme le beffroi de la ville, il a été dynamité le 19 mars 1917, en même temps que le château.
L’abbaye connut ensuite un certain nombre de propriétaires successifs :
après Joachim Prosper Foy, Mr Desoize puis sa fille Mme Frémont (en 1819), Mr Allart de Jussy en 1836, Mr Allart, député et maire d’Amiens (en 1848), sa fille mariée à Mr Watteau, premier avocat général à la Cour d’appel d’Amiens.
Sous ses différents propriétaires qui, presque tous, en louaient une partie ou la totalité de l’immeuble, l’abbaye fut successivement : une maison d’habitation, un magasin, un atelier de tissage, un pensionnat de jeunes gens, un important atelier de menuiserie, un vaste magasin de meubles avec atelier de fabrication…
Un projet d’acquisition par la ville de Ham, plusieurs fois évoqué, n’a jamais vu le jour. C’est enfin M. Étienne Délicourt qui acquiert la propriété de M. Watteau le 15 décembre 1880.
L’abbatiale et une partie du bâtiment de la bibliothèque étaient en bien piètre état lorsque M. Delicourt et sa fille Marie en entreprirent la restauration qui dura de 1881 à 1885.

La porte Louis XIV en pierre de taille, rappelle sur son fronton cette restauration.

A côté d’un médaillon sculpté figurant Notre-Dame assise, tenant sur ses genoux l’enfant Jésus, à l’imitation de l’ancien sceau, figure un autre médaillon sculpté de neuf abeilles, emblème des restaurateurs. Une sculpture rubanée indique les prénoms des restaurateurs et la date des travaux.
De cette restauration datent aussi les mascarons de la cour d’honneur, à l’effigie de l’empereur Napoléon III et de son épouse Eugénie de Montijo, commémorant la venue à Ham de Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République, le dimanche 22 juillet 1849.

La famille Délicourt voulait offrir à la ville de Ham cette importante construction, pensant qu’on pourrait y établir un vaste asile destiné aux enfants en bas âge, aux orphelins et aux vieillards sous la forme d’un béguinage. Mais par suite de nombreuses complications, la donation n’a pas eu lieu dans la crainte que la destination souhaitée ne soit pas respectée.
En septembre 1914, l’abbaye devient une ambulance, c’est-à-dire une unité de soins annexe, dépendant de l’hôtel Dieu de la rue de Chauny où se sont côtoyés des personnels soignants français (sœurs de Saint-Vincent de Paul) et allemands. L’ambulance a fonctionné pendant toute la durée de la guerre.

Les bâtiments ont été ravagés dans l’incendie de la ville par les Allemands le 6 septembre 1918, seuls les murs sont parvenus à subsister.
Après la Grande guerre, la façade de l’abbaye a failli être démolie : en effet la loi du 14 mars 1919 faisait obligation aux communes d’établir un plan général d’alignement heureusement, en décembre 1920 le maire de Ham, M. Philippe Augustin Gobin, considérant que cette façade était une œuvre d’art qu’il aurait été fâcheux de détruire, avait demandé que le projet initial d’alignement élaboré par Mr Brassart-Mariage, architecte à Saint-Quentin, soit remanié entre la place de l’Hôtel de Ville et le carrefour des boulevards, de manière à conserver la façade de l’ancienne abbaye, frappée d’alignement par le plan initial.
Les bâtiments, sauvés, ont pu ainsi être restaurés grâce aux dommages de guerre. Malheureusement, les encadrements en pierres sculptées des fenêtres du premier étage ont été sacrifiés, sans doute en raison du coût de leur restauration. L’édifice a abrité ensuite pour un temps un hôpital.

Journal de Ham 18 juin 1933

Mis en vente, les bâtiments n’ont pas trouvé d’acquéreur pendant plusieurs années jusqu’à ce que le chanoine Desmarquet, doyen de Ham, ait pu réunir des fonds suffisants auprès de donateurs privés pour les acquérir en mai 1937 et y installer le pensionnat Notre-Dame, à l’étroit dans ses locaux de la rue aux Poulets.Dès la rentrée scolaire de 1937 la communauté des sœurs de la Sainte-Famille et le pensionnat se sont installés, classes et dortoirs, dans l’abbaye.

Lors des combats de 1940, vraisemblablement le 19 mai, l’abbatiale devait encore une fois subir des dommages, limités cette fois : ce jour-là des chars français attaquent l’armée allemande retranchée dans la ville ; un obus atteint l’église Notre-Dame entre la porte latérale et la fenêtre située immédiatement à gauche ; les éclats balafreront la façade.

Les visiteurs illustres
Outre Louis XIV, qui a séjourné à Ham à plusieurs reprises entre 1663 et 1676 et le Prince-président a déjeuné à l’Abbaye lors de sa visite à Ham le 22 juillet 1849, Georges Clémenceau, président du Conseil, visita les ruines de la ville à la fin de la Grande Guerre.

Reconnaissez-vous cet autre visiteur illustre?

Il s’agit du Nonce apostolique, élu pape le 28 octobre 1958 sous le nom de Jean XXIII.

Sous la tutelle de la Sainte-Famille, même si la communauté des sœurs n’y réside plus et n’en exerce plus la direction effective, l’abbaye abrite toujours un établissement d’enseignement accueillant environ 650 élèves.

Avec nos remerciements pour leur aide et le prêt de documents et de clichés:
– La Sainte Famille
– Les membres du Cercle cartophile de Ham et leur Président François Cassel
– L’A.E.P.
– Mr Guy Sirot
– Les divers photographes
– La Bibliothèque Nationale de France

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